2. La méditation du cœur (Lc 2,19 et 2,51)
Ainsi nous est ouvert, dans le cœur de Notre-Dame, le mystère de la «maternité spirituelle» : former le Christ.
Plusieurs passages de l’Ancien Testament éclairent l’expression typée de saint Luc selon laquelle Marie gardait ou «repassait» inlassablement «ces choses» en son cœur. Déjà attribuée à Jacob, en Genèse 37,11, cette attitude, qui fut peut-être celle d’Abraham1, surgit à propos de Joseph racontant à ses frères les songes prémonitoires de sa prééminence : son père lui impose le silence, mais garde la chose dans sa mémoire, jusqu’à ce qu’advienne le salut de tout le clan.
Plus loin, l’expression est attribuée à David (1 Samuel 21,13), qui réfléchit sur les paroles entendues et simule la folie pour échapper à ses ennemis. On trouve de même, chez Isaïe (Isaïe 47,7-8) une injonction à considérer en son cœur les événements de la rédemption et à méditer sur leur fin (cf. Isaïe 46,8 et Lamentations 1,9), vrai refrain de la Bible, depuis l’alliance du Sinaï (Deutéronome 32,28-29). C’est pourquoi Salomon demande la sagesse : «Méditant ces pensées en moi-même et considérant en mon cœur qu’on trouve l’immortalité dans l’union avec la Sagesse» (Sagesse 8,17). Plus proche du Christ encore, le livre de Daniel nous montre le voyant atterré par ses révélations : «Moi, Daniel, mes pensées m’épouvantèrent grandement et je changeai de couleur. Et je conservai la chose en mon cœur» (Daniel 7,28). Comme chez Jacob, «garder cette chose», la «conserver en son cœur», c’est réagir par le silence et l’attente à une prémonition qui fait trembler devant l’avenir.
De même donc que Jacob pressentait le drame où s’engageait son fils, de même qu’il faut, pour sauver sa vie (David), se souvenir des actions de Dieu (Isaïe), de même que Daniel prévoyait l’effondrement des empires qui l’entouraient, ainsi Marie sent combien son fils lui échappe et elle consent d’avance à cette apocalypse, portée par la foi de son peuple et l’espérance en la victoire de Celui qui sauve, à travers l’eau et le feu.
1. Selon Maïmonide, dans un commentaire de la Torah, Abraham, encore en Chaldée, «méditait en son cœur et réfléchissait».
Ainsi nous est ouvert, dans le cœur de Notre-Dame, le mystère de la «maternité spirituelle» : former le Christ.
Le «refrain» de saint Luc conclut deux tableaux de l’enfance de Jésus, celui de la naissance humble et discrète à Bethléem, et celui de la vie à Nazareth, après l’épisode dramatique du Temple.
Ainsi nous est ouvert, dans le cœur de Notre-Dame, le mystère de la «maternité spirituelle» : former le Christ.
Le premier chapitre de nos constitutions de 1988 s’intitule : «Notre charisme : Sœurs du Saint-Cœur de Marie». Le texte part d’une double référence, unique dans toute l’Écriture, au cœur de Marie (Lc 2,19 et 2,51), où s’inscrit le rappel de la naissance obscure et de la croissance discrète de l’Enfant Jésus (2,7 et 2,49-51).
S’appeler Sœurs du Saint Cœur de Marie, qu’est-ce que cela voudrait dire ? Essayons de voir s’il y un rapport entre la vie religieuse et une attitude mariale.
La messe du Cœur Immaculé de Marie célèbre, au lendemain du Sacré-Cœur, la miséricorde de Dieu qui a donné à l’Église, avec le Cœur de Jésus, le Cœur de Marie, modèle du cœur nouveau habité par l’Esprit.
« Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son fils né d’une femme… afin de nous conférer l’adoption filiale » (Ga 4,4). Que l’humanité soit associée à l’œuvre du salut en engageant si étroitement la personne d’une femme, impose à nos théologies une tâche qu’elles sont encore loin d’avoir menée à bien…
La prière du P. de Grandmaison est depuis longtemps entrée dans le patrimoine spirituel de la Congrégation. Avec elle, nous demandons au Père de nous «garder un cœur d’enfant»…
Présenter, sur le modèle d’autrefois, un horaire-type qui reflète notre vie d’aujourd’hui n’est guère possible. La Loi de Vie de 1967 écrivait déjà : « Tu es pauvre du temps qui appartient à Dieu, ce qui nécessite un effort de travail sérieux, dans une totale disponibilité intérieure ». Nos journées n’échappent évidemment pas à toute structure ou à toute rencontre commune, mais c’est la mission qui leur donne forme, à l’intérieur du cadre communautaire : chaque sœur œuvre au nom de toutes là où elle a reçu de la supérieure générale de manifester la mission confiée par l’Église à la Congrégation. La communauté, par des rendez-vous quotidiens (temps de prière, de services et de repas partagés) mais aussi des réunions fréquentes (rencontres d’échanges en tous genres) soutient ainsi la vie de tout le corps, grâce à une miséricorde toujours à recevoir à nouveau ensemble de la Bonté de Dieu.
Les Constitutions de 1988, demandent, au chapitre sur la pauvreté, que « chaque communauté adapte son style de vie aux nécessités des personnes et de l’apostolat ». L’écoute persistante de « ce que l’Esprit dit aux Églises » – dans la Congrégation, la communauté et l’existence de chacune – modèle ainsi le temps commun et personnel, que ce soit à l’échelle de la journée, de la semaine ou de l’année. Et c’est, comme autrefois, toujours dans l’Eucharistie que l’oraison personnelle, les temps de récollections ou de retraites, et les autres formes de ressourcement trouvent leur fondement et leur sommet.
D’après les notes manuscrites de Sœur Marie-Claire (1981 et 1985)
«On ne sonnait pas quand les pensionnaires étaient là. Sœur Antonia passait dans les dortoirs en disant : “Venite, Adoremus”»
«À la chapelle ; on descendait en pantoufles.
Prière du matin ; très longue, environ 20 minutes. Une suite de prières dont j’ai oublié le texte. Il y avait entre autres les 10 commandements de Dieu, les 5 commandements de l’Église, tous les actes, et cela se terminait par : “Que m’arrivera-t-il aujourd’hui, ô mon Dieu ?”. Méditation jusque 6h00. La Révérende Mère s’asseyait, le dos au mur, à côté du confessionnal, lisait passage par passage la méditation, le saint du jour ou un livre de la spiritualité de l’époque, souvent d’un jésuite.»
«Temps libre pour mettre ses souliers.
Certaines s’occupaient du lever des enfants qui allaient toutes à la messe, sauf celles du petit dortoir.»
«Déjeuner, toujours en silence ; chaque vendredi à genoux. Lecture par la Révérende Mère de quelque passage de la Sainte Règle.»
«Après déjeuner, on allait à son travail.
Les classes commençaient à 8h30.»
«Examen à la chapelle, terminé par l’Angelus.» Elle ajoute : «C’est notre sœur Laurence qui m’a, mot à mot, appris les 5 points d’examen selon saint Ignace. Je m’en sers encore.»
«Dîner. Début en silence. Chacune avait son tour pour la lecture. Au dîner, une sœur lisait une vie de saints (je l’ai fait longtemps).»
«Récréation en communauté. Aucune ne pouvait quitter la place sans permission.»
À 16h00 : «Goûter en silence»
«La Révérende Mère disait une prière et puis 5 Pater, 5 Ave, les bras en croix.»
«On se réunissait en communauté. Lecture jusque 18h30. La Révérende mère lisait des livres de formation religieuse. On pouvait coudre pendant cette lecture.»
«Salut mercredi, jeudi, samedi. Les autres jours, chapelet et litanies de la Sainte Vierge.»
«Examen de conscience dont les points différaient. Consécration au Sacré-Cœur devant la statue du Sacré-Cœur dans le corridor. La Révérende Mère donnait la bénédiction.»
«Coucher rapide. Tout était éteint ¼ d’heure après.»
D’après les Premières Constitutions
À 5h30, l’oraison commence par l’Angelus, et s'achève par la «revue de l’oraison»
Le temps de classe pour les enfants est interrompu à 10h00 par la récréation qui se poursuit par l’étude.
Le dîner des Sœurs est précédé de l’Angelus et du Benedicite. Il se conclut par les Grâces. Un temps de lecture et de récréation le poursuit.
Le temps de classes de l'après-midi est suivi du goûter des enfants.
Constitutions 1869 : «À neuf heures moins 5 minutes, réunions extraordinaires de la communauté par ordre de la supérieure.»
À la prière du soir, on lit les points d’oraison du lendemain, et on fait l’examen de conscience.
«Un quart d’heure avant la fin de la prière de l’examen, la visitatrice sonnera le coucher par trois coups ; à ce signal, toutes les personnes de la maison doivent se mettre au lit, si elles n’y sont déjà, et éteindre la lumière.»