Ces composantes doivent être présentes toutes ensembles, faut-il ajouter, pour que joue l’étonnante dynamique de la vie religieuse apostolique, qui contient à la fois l’institution et le charisme, l’être et l’action, la dépendance et la responsabilité, l’amour du Christ et le dévouement aux siens. A tous ces points de vue, la vie religieuse apostolique peut donner à penser et à vivre au monde contemporain.
Mais encore ?
À ce « noyau dur » s’adjoignent les enseignements des autres textes conciliaires concernés. Sacrosanctum Concilium insère la profession des religieux dans l’Eucharistie (n. 80) et leur prière dans la prière publique de l’Église (n. 98), avec l’assouplissement que cela suppose dans les règles de la langue liturgique (n. 101). De la sorte, la vie religieuse apostolique est non seulement recentrée par le mystère de l’Église, mais encore invitée à se fonder tout entière dans l’acte même du Christ poursuivant dans l’Église son œuvre de rédemption (SC, 5-7). De même, le mouvement de Lumen Gentium, qui suggère de placer les religieux du côté non pas de la structure (LG, ch. I-IV) mais bien de la mission (ch. V-VIII) de l’Église, et la nette affirmation sur l’autorité des évêques dans le « labeur apostolique » (LG, 45), permettent de penser que la liberté d’action découle, dans la vie religieuse apostolique, d’une nécessaire dépendance de la charge épiscopale. C’est d’ailleurs ce que souligne vigoureusement le Décret Christus Dominus, lorsqu’il voit dans les religieux des « coopérateurs » ou des « auxiliaires » de l’évêque dans les œuvres d’apostolat (CD, 35 ; 20). Pour la vie religieuse apostolique, cette détermination implique une disponibilité aux pasteurs du diocèse qui n’a d’autres limites que l’état religieux lui-même. Sans doute n’a-t-on pas encore mesuré toutes les conséquences de ce principe dans une vie religieuse à laquelle l’action apostolique appartient comme un saint ministère et une œuvre de charité, confiés par l’Église pour être exercés en son nom (PC, 8). Enfin, la question du Décret Ad Gentes aux « instituts de vie active » ne laisse aucun doute sur l’orientation foncièrement missionnaire, c’est-à-dire soucieuse de l’expansion du règne de Dieu parmi les païens (AG, 40), de la vie religieuse apostolique.
En résumé
Ainsi, la vie religieuse apostolique est un charisme institué, qui consiste en l’intégration de la vie religieuse et de l’action apostolique, vécu sous l’autorité de l’Église, en vue du service du Christ (Perfectae Caritatis). L’incorporation à l’œuvre et au sacrement de la rédemption (Sacrosanctum Concilium), la dépendance à l’égard de la charge épiscopale (Lumen Gentium) – en particulier dans les œuvres de l’apostolat (C Christus Dominus) – et la volonté missionnaire (Ad Gentes) vérifient, aux niveaux de la prière liturgique, de la situation ecclésiale, de l’action corporative et de la destination évangélisatrice, la référence des religieux de vie apostolique au Christ Rédempteur des hommes (Sacrosanctum Concilium), Époux de l’Église (Lumen Gentium), Pasteur de son Peuple (Christus Dominus) et Roi de l’univers (Ad Gentes). Ce don de l’Esprit et ce lien au Christ définissent ensemble la vie religieuse apostolique dans l’Église de ce temps.
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Pour conclure, soulignons une dernière fois que la vie religieuse apostolique connote une référence nécessaire à l’autorité pastorale des évêques ; elle inclut aussi un type d’action distinct, mais complémentaire, de l’engagement laïc, en cela qu’elle manifeste l’achèvement de l’agir humain dans la puissance miséricordieuse de Dieu. Du point de vue théologique, comment considérer encore séparément les différents choix de vie chrétienne ou même les diverses manières de vivre le même appel ? L’unité de l’Église est le fondement de ces nécessaires particularités. Après le Concile, il a fallu formuler, à l’usage universel, le type de rapports qui unissent les évêques et les religieux ; si l’on en croit nos analyses, la vie religieuse apostolique joue ici un rôle exemplaire. Plus immédiatement encore, il s’agissait de rédiger et de mettre en œuvre les décrets d’application des documents promulgués. Pour la vie religieuse, l’ère constituante commençait. Pour l’heure, retenons du magistère conciliaire qu’il donne à la vie religieuse, et singulièrement à la vie religieuse apostolique, des fondements ecclésiologiques capables de renouveler et sa doctrine et sa pratique, et que cet apport pourrait tenir en ce seul mot de « communion ».
[1]. Cf. L. Dewailly, « Histoire de l’adjectif apostolique », in Mélanges de Sciences religieuses 5 (1948), 141-152 ; H. Holstein, « L’évolution du mot ‘apostolat’ », in A. Plé et al., L’apostolat (Problèmes de la Religieuse aujourd’hui, 11), Paris, Cerf, 1957, 41-61.