À l’occasion de ses 90 ans
Elle naquit un beau jour d’été de l’an 1921. Que se passa-t-il, jusqu’à ce que, le 8 septembre 1942, elle franchit d’un pas décidé l’entrée principale du vieux couvent de Malaise ? On sait seulement qu’elle venait de la frontière, et ce sera une autre caractéristique de sa trajectoire : toujours aux frontières, de la France et de la Belgique, du français et du flamand, de la musique et de l’économat, des jeunes rouspéteuses et des plus âgées grommeleuses…
Le noviciat commença le 28 avril 1943, toujours en pleine guerre. Des premiers vœux, le 27 août 1945, on garde quelques photographies aussi austères que l’époque ; les derniers vœux, le 28 août 1948 seront, les esprits calculateurs le remarqueront, entachés de nullité, puisqu’ils sont faits un jour trop tard. Qu’importe ! La charge de maîtresse des novices arrivera aussi trop tôt, au point qu’il faudra pour l’exercer une dispense archiépiscopale, puisqu’elle n’avait pas 30 ans. Devenue assistante, puis supérieure générale, avec le même enthousiasme et la même créativité, elle avança, au fond, contre vents et marées, avec ces alternances de jours et de nuits que nous connaissons tous…
Mais en avant la musique, du piano à l’orgue, au violon, à la cithare, et toujours au chant. Il y a aussi la couture (en particulier pour réparer les vêtements des enfants de l’Ancre) et la cuisine, et la chapelle, et tout le reste de ces choses qui n’ont pas de nom, et finissent par remplir tout le temps donné, dont on se demande aussi parfois comment il est, ainsi que dans l’affaire des deux poissons et des sept pains, tout à coup multiplié pour tant de monde (car il y a aussi les couvertures pour l’Afrique, les affaires pour la brocante des compagnons déménageurs, les raccommodages vieilles choses pour jeunes sœurs)… On n’oublie pas les temps de reprise, avec ces deux ou trois grandes retraites, qui ont toujours trouvé la Samaritaine au Puits de Jésus. Beaucoup de compagnes des débuts s’en sont déjà allées, mais pour nous qui restons, tout semble commencer chaque jour, comme le disait aussi saint Antoine lorsqu’il atteignit 120 ans : « aujourd’hui, je commence ». Merci, Seigneur, merci Justine !